Avant de détailler le déroulement de ma préservation, il me paraît essentiel de remettre les choses dans leur contexte. Pour ma part, même si ce n’est pas une solution parfaite, j’ai choisi de prendre une pilule contraceptive en continu afin de réduire les douleurs chroniques liées à mon endométriose. J’évoque ce sujet dans un de mes articles, qui raconte mon parcours avec cette maladie. Cela fait maintenant plusieurs années que je suis sous ce traitement. Malgré mes craintes concernant le retour des douleurs menstruelles, l’arrêt de la pilule dans le cadre de la préservation représentait pour moi une occasion de faire une pause thérapeutique et de réévaluer mon cycle naturel.
Pour certaines femmes atteintes d’endométriose, certains centres hospitaliers proposent de poursuivre la pilule et d’interrompre seulement le traitement que quelques jours avant la ponction des ovocytes. Cependant, dans l’établissement où j’ai effectué ma préservation, cette méthode n’est pas pratiquée. J’ai donc dû arrêter la pilule plusieurs mois avant le début du protocole pour permettre le retour d’un cycle normal. Lors de l’arrêt de la pilule, je savais que mes prochains cycles seraient douloureux, mais je n’avais pas anticipé l’impact psychologique, notamment les troubles de l’humeur liés aux variations hormonales. En effet, j’ai mal vécu le retour de mes règles, les douleurs associées ainsi que le stress engendré par ma première préservation d’ovocytes. J’aborderai plus en détail les effets secondaires et mon état d’esprit pendant le protocole, mais il est vrai que l’angoisse et la tristesse ont été très présentes pour moi.
Le déroulé de la préservation d’ovocytes
Ma procédure de préservation s’est déroulée en trois étapes : une première phase de mise au repos des ovaires, une deuxième phase de stimulation ovarienne et une dernière phase de ponction.
Tout au long du processus, afin d’évaluer l’évolution et la réponse aux traitements, des examens par prise de sang et des échographies pelviennes ont été réalisés régulièrement. Les prises de sang permettent d’effectuer un dosage hormonal, tandis que les échographies (endovaginales) servent à suivre le développement des ovocytes. L’objectif est d’adapter les traitements administrés de manière à programmer la ponction ovocytaire au moment le plus opportun. Dans le cadre de ma préservation au centre hospitalier des Quatre Villes, la communication se faisait par mail : après chaque examen, je recevais, quelques heures plus tard, la procédure à suivre ainsi que les traitements à prendre pour les jours suivants.
Phase 1 : La mise au repos des ovaires
Le traitement qui m’a été prescrit durant cette phase est le Synarel, qui se présente sous la forme d’un spray nasal. Celui-ci permet de mettre les ovaires au repos et d’empêcher l’ovulation spontanée. J’ai donc débuté ce traitement le premier jour de mes règles et je l’ai poursuivi tout au long de la procédure. Ce traitement, administré par spray nasal, est très simple à utiliser . Il suffit d’effectuer les pulvérisations quotidiennement dans le nez. L’un des principaux avantages est qu’il s’agit d’une méthode non invasive, vraiment facile à réaliser.
Concernant les effets secondaires, j’ai ressenti, pour ma part, des migraines, quelques douleurs nasales lors de l’administration ainsi que des écoulements de nez plus fréquents pendant la période d’utilisation. J’ai également constaté une accentuation de ma fatigue chronique ainsi que des troubles de l’humeur, comme j’ai pu l’évoquer précédemment. Je ne sais pas si ces symptômes sont directement dus au traitement ou au protocole dans son ensemble, mais il me semble important de le souligner.
Cette première phase a duré 12 jours. À l’issue de celle-ci, j’ai réalisé mes examens (prise de sang et échographie), et en fonction des résultats, j’ai pu démarrer la seconde partie du processus.
Phase 2 : La stimulation des ovaires
Lors de chaque cycle, durant la période d’ovulation, un ovocyte est libéré par l’un des deux ovaires. Si un spermatozoïde le féconde, cela peut aboutir à une grossesse. En l’absence de fécondation, l’ovocyte meurt, le cycle recommence, et les règles surviennent environ 10 à 15 jours plus tard. Le principe de la préservation des ovocytes est de récupérer plusieurs ovocytes (jusqu’à 15 dans le meilleur des cas) au cours d’un seul cycle. Pour cela, la stimulation ovarienne est contrôlée et gérée à l’aide de médicaments. Lors de cette phase les médicaments utilisés sont des injections sous cutané.
Pour ma part, j’ai réalisé les injections sous-cutanées moi-même. Étant infirmière et habituée aux soins, cela ne m’a posé aucun stress concernant le dosage, ni de problème ou de douleur lors de la réalisation. Je sais que cela peut avoir un impact pour certaines personnes et qu’il peut être sous-évalué par les professionnels. Durant cette phase, j’ai donc continué le traitement par Synarel et réalisé des injections d’Ovaleap pendant une dizaine de jours, jusqu’au moment du déclenchement de l’ovulation.
Habituellement, la période d’ovulation est, pour ma part, une période où je ressens beaucoup de douleurs. Par conséquent, cette phase a été beaucoup plus douloureuse pour moi que la première. En effet, la stimulation a pour but de faire grandir un maximum d’ovocytes, et cela provoque des gonflements, un ressenti d’inconfort et des douleurs au niveau du ventre et des ovaires. Ayant beaucoup de symptômes urinaires, les gonflements et la présence d’inflammation durant cette période ont provoqué chez moi une majoration de mes troubles urinaires (envie fréquente d’aller aux toilettes, douleurs lors des mictions). Les effets indésirables ainsi que les modifications hormonales liés aux traitements m’ont apporté une fragilité émotionnelle que j’avais sous-estimée avant de débuter le processus. Chez moi, cela s’est manifesté par du stress, de la fatigue et de l’angoisse très présents.
Phase 3 : Le déclenchement et le prélèvement
De manière globale, je dirais qu’une tentative de préservation d’ovocytes dure entre 20 à 35 jours, cela est vraiment dépendant de chaque personne et de la réactivité aux traitements hormonaux. Pour ma part, j’ai eu 4 RDV de prise de sang et d’échographie afin de réaliser la surveillance et l’évolution de mes ovocytes en réponse aux traitements. Lors du dernier RDV, l’équipe médicale juge le nombre d’ovocytes ayant obtenu une taille convenable pour déclencher l’ovulation en vue de réaliser la ponction.
La phase de déclenchement est réalisée par une dernière injection d’Ovitrelle. Ce traitement déclenche la maturation folliculaire finale, il doit être injecté à une heure précise et la ponction doit être réalisée 36 heures plus tard. Toutes les indications sont données et gérées par le service, il suffit simplement de suivre les horaires indiqués. Au total, dans mon cas, 27 jours se sont écoulés entre le premier jour de mes règles et le prélèvement.
Pour le prélèvement, la date et l’heure de l’hospitalisation m’ont été communiquées par le service. Dans mon hôpital, la ponction ovarienne se réalise sous anesthésie générale. Pendant le processus, j’avais eu à la suite de l’un de mes RDV de contrôle une consultation avec un médecin anesthésie. J’ai donc été convoquée le matin de la ponction à 8 heures, à jeun. À mon arrivée, j’ai été installée dans une chambre individuelle, j’ai rempli les formalités administratives, et les infirmières sont venues me poser un cathéter. On m’a également informée de mon ordre de passage, ma ponction était prévue à 11 heures. Au moment voulu, j’ai donc été conduite en salle de bloc opératoire et installée sur un brancard. Ce moment a été pour moi un peu délicat. En effet, la position gynécologique avant l’anesthésie, le stress et l’espoir que la ponction se passe bien m’ont procuré une sensation particulière avant l’anesthésie.
L’intervention a duré environ 30 minutes, puis je me suis réveillée en salle de réveil, où je suis également restée une trentaine de minutes. Personnellement, je vis souvent assez mal les réveils après les anesthésies. A cause de la ponction, je me suis réveillée avec de fortes douleurs dans le bas-ventre. L’infirmier présent a été très attentif et m’a administré les antalgiques nécessaires pour me soulager. J’ai ensuite été raccompagnée dans ma chambre, où j’ai attendu la visite du médecin pour connaître les résultats de la ponction. Ma sortie a eu lieu vers 13h avec la présence d’un accompagnateur qui est obligatoire pour quitter l’établissement dans ce type d’intervention. Pour ma part 3 jours d’arrêt maladie, en comptant le jour de la ponction m’ont été prescrit.
Bien évidemment, je suis reparti en connaissant le nombre d’ovocytes prélevés le jour même, et quelques jours plus tard, j’ai reçu un appel pour m’indiquer le nombre exact d’ovocytes qui ont pu être vitrifiés. Dans mon cas, 10 ovocytes ont été prélevés le jour de ma ponction, et 8 étaient assez matures pour être vitrifiés.
Lors de mes rendez-vous d’information précédant le début du processus, il a été très peu évoqué que la préservation d’ovocytes, considérée comme satisfaisante à partir de 15 ovocytes, pouvait nécessiter plusieurs tentatives. On m’a plutôt présenté l’idée de se concentrer sur une première ponction, en précisant que, si besoin, l’expérience pouvait être renouvelée. Avec cette idée en tête, j’ai été très déçue du résultat de ma première ponction. En connaissant le résultat, je l’ai vécu comme un échec. J’ai cherché des témoignages en ligne, et même s’ils sont rares, la plupart évoquent plusieurs tentatives. Je me suis alors rendu compte qu’obtenir 15 ovocytes dès la première ponction est en réalité peu fréquent. Mes attentes étaient donc déconnectées de la réalité.
Il m’a fallu quelques semaines, voire quelques mois, pour faire évoluer mon état d’esprit. Avec le recul, j’ai pris conscience de ce que mon corps avait traversé et j’ai essayé d’être plus reconnaissante et bienveillante envers ce premier résultat. Malgré les douleurs et l’angoisse, j’ai rapidement fait savoir au service qui me suivait que je souhaitais réaliser une deuxième tentative.
La phase post-prélèvement
Après le prélèvement, il reste une dernière phase : le “retour à la normale”. Afin de réguler le cycle menstruel perturbé par les traitements hormonaux, un traitement à base de Duphaston m’a été prescrit pendant une dizaine de jours.
Quelques jours après la ponction, au début du traitement, je ressentais encore d’importantes douleurs au bas-ventre, accompagnées d’une humeur plutôt basse. Je me suis sentie assez triste durant plusieurs jours après l’intervention. Au bout de dix jours de traitement par Duphaston, les douleurs ont commencé à s’atténuer. Mon retour de règles est survenu quelques jours après l’arrêt du traitement, et elles ont été assez douloureuses. Les symptômes et effets secondaires de la ponction et des traitements ont été plus présents et intenses que ce que j’imaginais. Il m’a fallu plusieurs jours, voire plusieurs semaines, pour me sentir de nouveau bien, tant sur le plan physique que psychique. Par exemple, les gonflements au niveau du ventre, dus à l’inflammation, ont persisté pendant plusieurs semaines. J’ai finalement consulté mon ostéopathe un mois plus tard, ce qui m’a aidée à soulager les gonflements et les tiraillements abdominaux.
J’ai réalisé cette ponction à une période de forte charge professionnelle, sans avoir expliqué les raisons de mon absence à mon employeur. Entre les soins médicaux, les trajets, le stress, la fatigue et les douleurs, la fin du processus a été particulièrement éprouvante. J’avais également choisi de très peu en parler à mon entourage, ce qui a renforcé mon isolement. De manière générale, la fin du parcours et la période post-ponction ont été assez difficiles à vivre pour moi. Heureusement, j’ai eu la chance d’être accompagnée tout au long par mon conjoint.
Comme je l’ai évoqué précédemment, l’écart entre mes attentes et la réalité, ainsi que l’expérience de la ponction et le travail psychologique qui a suivi, m’ont donné l’envie de partager mon histoire à travers ces articles. Cela m’a également encouragée à en parler davantage autour de moi. Cette prise de recul m’a permis d’aborder ma deuxième ponction dans un tout autre état d’esprit, avec plus de sérénité et de préparation.